
Les Sciences comportementales appliquées
Façonner les contextes et concevoir des processus et des produits favorisant un changement de comportement
Introduction
Que sont les sciences comportementales appliquées et pourquoi est-ce important ?
Chacun aspire au bonheur et à la santé. Chacun aspire à la prospérité, pour soi-même et sa famille. Pourtant, nous prenons souvent des décisions qui semblent aller à l’encontre de ces objectifs. Quelles en sont les raisons ?
Les sciences comportementales cherchent à comprendre les mystères du comportement humain : Pourquoi mangeons-nous des collations malsaines alors que nous sommes au régime ? Pourquoi oublions-nous de prendre rendez-vous pour les vaccinations de routine ? Pourquoi repoussons-nous indéfiniment les tests de dépistage du VIH ou des IST ? Pourquoi ne prenons-nous pas nos médicaments contre l’hypertension ? Pourquoi laissons-nous la moustiquaire bien pliée dans un coin ? Ou encore, pourquoi ne parvenons-nous pas à épargner pour nos besoins quotidiens ?. Les sciences comportementales se fondent sur les connaissances et les preuves provenant de la psychologie, des sciences cognitives, des sciences sociales et de l’économie pour comprendre la relation entre nos caractéristiques humaines innées et le contexte au sein duquel nous vivons, afin d’encourager ou d’inhiber un comportement.
Les gouvernements, les institutions multilatérales et les organisations des secteurs public et privé utilisent les connaissances tirées des sciences comportementales pour découvrir comment des éléments de la vie quotidienne influencent les personnes à se comporter d’une manière qui ne correspond pas à leurs objectifs et à leurs intentions.
Principes clés
- L’importance du contexte. Les décisions et les comportements des personnes sont façonnés par le contexte dans lequel elles évoluent : les signaux qu’elles reçoivent, les solutions qui s’offrent à elles et les plus visibles, les actions qui semblent les plus faciles, les choix qu’elles voient les autres faire et les façons dont les autres essaient d’influencer leurs choix.
- Bien souvent, il ne suffit pas de changer les connaissances et les attitudes pour changer les comportements. Les intentions des gens ne correspondent pas toujours à leurs comportements.
- Les gens ne parviennent souvent pas à prédire comment ils se comporteront dans une situation donnée. Les sciences comportementales permettent de prédire comment les éléments d’une situation aident ou dissuadent chacun de prendre des décisions qui correspondent à leurs valeurs. Demander directement aux personnes les raisons de l’adoption ou non d’un comportement ne permet pas d’illustrer pleinement l’éventail des facteurs qui guident inconsciemment la prise de décision. Lorsqu’elles en parlent elles-mêmes, les personnes ont également tendance à réagir d’une manière à être perçues favorablement par les autres (biais de désirabilité).
- De menus changements apportés au contexte peuvent entraîner de nets changements dans le comportement.
Principaux termes
- Les biais cognitifs (heuristiques mentales) sont des distorsions naturelles de la pensée qui affectent les décisions et les jugements des personnes. L’un des objectifs des sciences comportementales est de comprendre comment ces biais cognitifs innés façonnent le comportement.
- Les écarts entre intention et action décrivent l’écart entre ce que les gens disent vouloir faire et ce qu’ils font réellement. La science comportementale appliquée cherche à façonner le contexte pour aider les personnes à concrétiser leurs intentions, en éliminant cet écart.
- La friction est un autre terme pour décrire les inconvénients ou les tracas qui peuvent empêcher les personnes de concrétiser leurs intentions. La science comportementale appliquée cherche à réduire au minimum les frictions qui inhibent les comportements sains ou souhaités.
- L’architecture de choix est la conception de la façon dont (et de quels) choix sont présentés aux personnes dont vous souhaitez influencer le comportement : le nombre de choix présentés, la façon dont chacun est présenté, la proximité ou la facilité d’un choix par rapport à un autre.
Les objectifs sociaux et comportementaux
Les sciences comportementales appliquées associent des recherches qualitatives approfondies et des preuves issues des sciences cognitives et de la psychologie pour formuler une compréhension approfondie d’un contexte particulier et de la manière dont ses caractéristiques peuvent générer ou empêcher des comportements particuliers. L’utilisation d’une approche fondée sur des données probantes peut améliorer considérablement l’acceptabilité, la pertinence et l’incidence des programmes et des politiques.
Plus précisément, les sciences du comportement permettent aux concepteurs de programmes et aux décideurs de:
- Mieux comprendre les facteurs et les obstacles à l’adoption de comportements particuliers qui correspondent aux objectifs et aux intentions des personnes
- Concevoir des communications, des interventions, des technologies, des politiques et des programmes fondés sur le comportement, y compris des messages et stratégies qui traitent efficacement des facteurs comportementaux propres à des contextes uniques.
- Se focaliser sur les expériences des personnes touchées par les politiques et programmes, plutôt que sur les préférences et perspectives des experts et des décideurs.
- Prendre en compte les déterminants sous-jacents des comportements et des motivations, au-delà des connaissances et des attitudes, en comprenant comment les comportements sont le fruit de l’interaction entre les influences cognitives, sociales et environnementales.
- Avoir recours à une approche fondée sur des preuves pour formuler et tester des hypothèses relatives aux facteurs contextuels de comportements particuliers, avant une approche itérative basée sur l’expérimentation pour concevoir des solutions.
Les limites et les opportunités associées à une approche fondée sur les Sciences comportementales appliquées
Les sciences comportementales (compréhension des comportements humains) constituent un élément clé de l’élaboration des politiques et des programmes.Cependant, les interventions des sciences comportementales appliquées à elles seules (par exemple, la conception de l’architecture des choix, la pratique du « nudge ») ne sont pas susceptibles de résoudre efficacement des problèmes complexes et profondément enracinés, tels que la violence sexiste, le travail des enfants ou encore la discrimination. Ces problèmes nécessitent des modifications d’éléments structurels plus larges, comme les relations sociales, les perspectives économiques, les politiques et la gouvernance, qui peuvent encore être éclairés par des observations comportementales. En d’autres termes, les sciences comportementales appliquées offrent une approche très puissante, car non seulement elles nous aident à comprendre le contexte structurel qui motive la prise de décision, mais elles peuvent même générer des solutions structurelles et un renouvellement des recommandations politiques.
Cependant, les approches fondées sur les sciences comportementales n’abordent pas nécessairement de manière directe l’ensemble des obstacles structurels, sociaux et politiques au changement de comportement. Par exemple, si vous concevez un programme pour encourager l’adoption de conseils en temps opportun pour les victimes de violence domestique, vous traiterez probablement les obstacles individuels (besoin perçu, modèles mentaux des services de conseil), les obstacles sociaux (les tabous entourant les discussions sur la violence et le manque de norme sociale autour des services de conseil) et les barrières structurelles (agents de santé surchargés, ressources humaines limitées, manque de politiques claires à l’égard de l’orientation vers les services de conseil).
Les informations issues des sciences comportementales peuvent vous aider à découvrir, contextualiser et surmonter ces obstacles structurels. Ces informations peuvent, par exemple, étayer la conception de systèmes d’orientation et d’heuristiques faciles à utiliser qui aident les agents de santé surchargés à mettre en relation les survivants et des services de conseil. Cette approche doit s’accompagner de solutions structurellement orientées, telles que la proposition des centres de conseil plus pratiques ou accessibles dans les communautés à faible revenu et le fait de travailler au sein de la société civile pour changer les influences sociales négatives.
Études de cas et exemples:
Le domaine des sciences comportementales appliquées est souvent associé à la « théorie du nudge » qui s’est fait connaître au travers du livre de Cass Sunstein et Richard Thaler, Nudge (2008). Les idées qui sous-tendent la théorie du nudge sont des caractéristiques essentielles du domaine des sciences comportementales.
- Les gens ne prennent pas de décisions ou n’agissent pas dans le vide. Leurs choix sont profondément influencés par les caractéristiques du contexte plus large.
- C’est souvent insuffisant pour changer les connaissances et les attitudes, car les comportements des gens correspondent rarement à leurs intentions.
- Bien souvent les modèles économiques simples qui évaluent les coûts et les avantages échouent à prédire le comportement humain.
Toutefois, si ces informations peuvent servir à concevoir de petits changements dans le contexte, appelés « nudges », ces ajustements peuvent également être essentiels pour éclairer les politiques et les changements à plus grande échelle dans les systèmes et les protocoles. La gamme d’études de cas ci-dessous illustre la diversité de la portée des interventions fondées sur le comportement.
Nudges
- NÉPAL Une intervention de comparaison entre pairs dans les cliniques accroît de près de 7 % l’utilisation des contraceptifs réversibles à longue durée d’action (LARC) dans les situations post-avortement
- URUGUAY L’envoi de SMS contenant des informations comportementales augmente la fréquentation préscolaire
- SIERRA LEONE Une intervention de signalisation sociale rentable augmente les taux de vaccination des enfants de 14 % en Sierra Leone
- UKRAINE L'effet des outils des sciences comportementales sur l’adhésion à la vaccination: un essai contrôlé randomisé
- NIGERIA L’association d’appels automatisés avec des rappels de vaccination par SMS a considérablement amélioré la proportion de nourrissons qui ont reçu toutes les vaccinations de routine à l’âge de 12 mois et la réception en temps voulu des vaccins administrés tard dans le calendrier de vaccination
- MADAGASCAR L’ajout d’améliorations comportementales aux transferts monétaires améliore les réalisations du développement de la petite enfance, y compris la sécurité alimentaire à long terme et les compétences sociales des enfants
Approches systémiques
- JORDANIE Stabiliser les moyens de subsistance des réfugiés syriens dans les communautés d’accueil et des Jordaniens vulnérables grâce à des échanges de compétences et à des offres d’emploi
- MOLDAVIE Le passage du traitement de la tuberculose à une approche de soins à domicile augmente l’observance du traitement chez les patients tuberculeux
- SÉNÉGAL L'utilisation des observations comportementales pour concevoir un système d’intégration de la planification familiale et de la vaccination
- AFRIQUE DU SUD L’association d’un retour d’information basé sur le comportement et de rénovation des infrastructures améliore la conservation de l’eau
- MALAWI Changer la façon dont les prestataires abordent les services de conseil en planification familiale et intégrer des outils pour améliorer les orientations élargit l’ensemble de choix en matière de planification familiale et améliore la satisfaction des clients
Politiques renseignées sur le comportement
- AFRIQUE DU SUD L'intégration des outils de mentalité axée sur la croissance dans la politique de l’éducation améliore les résultats des apprenants
- HAÏTI Renforcement des politiques et protocoles de préparation aux catastrophes à l’aide d’observations comportementales
- GLOBAL Créer des politiques visant à réduire le chômage des jeunes dans le monde entier
Plus d’informations
Pour en savoir plus sur les modalités d’application des sciences comportementales, consultez ce guide pratique.
Passer de la théorie à la pratique
- Laboratoire The Behavioural Insights Research and Design (BIRD)
- The New Science of Designing for Humans
- United Nations Behavioural Science Report 2021
- Applying Behavioural Science to Support the Prevention of Violent Extremism: Experiences and Lessons Learned
- World Development Report 2015: Mind, Society, and Behaviour
Cadres et approches
- de Michie et al. COM-B: Capability, Opportunity, Motivation
- de la Behavioural Insights Team MINDSPACE
- de la Behavioural Insights Team EAST Framework
- de l’UNICEF Behavioural Drivers Model
Guides pratiques
- de BEAR Practitioner’s Guide to Nudging
- The Little Jab Book pour la vaccination contre la COVID-19
- de l’OCDE’s BASIC Toolkit
- de la fondation Surgo’s CUBES Toolkit
Aspects éthiques
- Ethical considerations when applying Behavioural Science in projects focused on children
- FORGOOD Framework for ethical considerations when nudging behaviour
Cours
- Behavioural Science Programmes (ABSA)
- Behavioural Insights for Public Policy (BETA)
- Behavioural Science for Practitioners (ideas42)
- Behavioural Economics in Action (University of Toronto/edx)
- SPANISH: Behavioural Economics for Better Policies (IADB)
- Applied Behavioural Science (Ogilvy x 42Courses)
Autres ressources

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