
Observations comportementales
Appliquer et mettre à l’essai les solutions inspirées par les sciences comportementales
Introduction
L’application de preuves et de méthodes issues des sciences comportementales est essentielle pour comprendre et traiter les facteurs cognitifs, sociaux et environnementaux des comportements. L’utilisation d’approches issues des sciences comportementales vous aidera à mettre au point des interventions de changement de comportement ciblées et rentables. Cet outil explore la manière dont les Observations comportementales, qui décrivent les méthodes et les observations tirées des sciences comportementales, peuvent être appliquées à la conception et aux essais de solutions bien éclairées sur le plan comportemental.
Objectifs
- Concevoir des interventions fondées sur des données probantes et adaptées aux besoins du contexte, éclairées par des données probantes issues des sciences sociales et comportementales, qui contribuent à un changement de comportement mesurable. De telles interventions peuvent stimuler les idées en tirant parti des préjugés innés dans le jugement et la prise de décision, ou aider à surmonter les écarts idée/action en réduisant les tensions logistiques et psychologiques dans les politiques, les processus et les services.
- Mettre à l’essai des solutions ou des interventions (également appelées prototypes) pour avoir une idée de l’effet potentiel d’une solution et comprendre comment l’améliorer.
Biais et tactiques couramment utilisés dans les approches reposant sur les Observations comportementales
Les biais qui affectent la façon dont on pense peuvent contribuer à expliquer les raisons de choix inattendus ou indésirables. La compréhension de la façon dont les personnes portent des jugements et font des choix ainsi que des raisons qui y sont associées, nous permet de concevoir des interventions de changement comportemental qui auront un plus grand impact.
Quelques biais cognitifs communs (parmi tant d’autres !)
Aversion de la perte : Les pertes sont plus douloureuses que les gains équivalents. On est généralement plus motivé par la perspective de perdre quelque chose que par la possibilité de gagner quelque chose.
Biais présent : En prenant une décision, on se soucie davantage des coûts/avantages immédiats que des coûts/avantages futurs. Par exemple, même si se lever tôt pour faire de l’exercice présente des avantages à long terme, on a tendance à se concentrer sur le coût à court terme de la perte d’une heure de sommeil.
Biais de confirmation : Nous sommes plus susceptibles de prêter attention aux informations qui confirment nos croyances préexistantes. Par exemple, une personne qui s’oppose à la vaccination est plus susceptible de prêter attention aux informations sur les effets secondaires nocifs rares des vaccins qu’aux preuves sur les avantages de la vaccination.
Évitement de l’information (« Politique de l’autruche ») : Nous avons tendance à éviter de rechercher des informations importantes lorsque nous nous attendons à ce qu’elles soient désagréables, même lorsque le processus de recherche est gratuit et simple. Par exemple, certaines personnes évitent le dépistage gratuit du VIH par peur de recevoir des résultats positifs. Certaines personnes éviteront de consulter le solde de leur compte bancaire ou de monter sur la balance par peur de ne pas aimer les chiffres que s’afficherons.
Écart d’empathie chaud-froid : Dans un état « froid », (par exemple, quand nous sommes calmes, heureux ou satisfaits), nous ne parvenons souvent pas à prédire comment nous agirons dans un état viscéral ou « chaud » (par exemple, lorsque nous avons faim, lorsque nous ressentons de la fatigue, du stress ou une excitation sexuelle). Par exemple, certaines personnes stockent des collations malsaines chez elles parce qu’elles supposent qu’elles auront la volonté de les manger avec parcimonie. Cependant, ces personnes oublient souvent que lorsqu’elles sont fatiguées, affamées ou stressées, elles sont susceptibles de prendre une collation pratique à manger, mais malsaine.
Biais de retenue : Nous plaçons une confiance excessive dans notre maîtrise de soi (en particulier dans un état « chaud »). Par exemple, les adolescents peuvent éviter d’utiliser des contraceptifs modernes parce qu’ils sont trop confiants dans leur capacité à rester abstinents.
Quelques tactiques comportementales courantes (parmi de nombreuses autres !)
Une fois que nous comprenons certains biais, nous pouvons concevoir des interventions qui en tiennent compte. Voici quelques tactiques qui peuvent être intégrées dans les interventions fondées sur le comportement :
Dispositifs d’engagement : Demandez aux gens de s’engager au préalable publiquement à participer à une action donnée lorsqu’ils sont le plus motivés afin de les encourager à adopter un comportement particulier. Les dispositifs d’engagement peuvent aider à surmonter la procrastination et les écarts d’empathie chaud-froid. Par exemple, en permettant aux agriculteurs de restreindre l’accès à leurs comptes, les comptes d’épargne basés sur l’engagement au Malawi ont augmenté les bénéfices agricoles de 133 USD en une seule année.
Comparaison sociale et évaluation comparative : Montrer aux personnes comment leur comportement sera comparé à celui de leurs pairs en vue de susciter un changement de comportement. Par exemple, en envoyant aux habitants de Belen, au Costa Rica, un avis de comparaison sociale visant à comparer leur consommation d’eau à celle de leurs voisins et en les aidant à créer un plan visant à utiliser moins d’eau, la consommation mensuelle d’eau a diminué de 4,5 %.
Rappels: Faire des rappels en temps utiles aux personnes visées qu’elles doivent adopter un comportement lorsqu’elles en sont capables. Par exemple, des rappels hebdomadaires par SMS envoyés aux patients séropositifs dans les zones rurales du Kenya ont augmenté le respect au traitement antirétroviral (ART) de 13 points de pourcentage.
Intentions de mise en œuvre : Encourager les personnes à élaborer un plan spécifique sur la façon dont ils réaliseront une action qui comprend des plans visant à surmonter les éventuels obstacles qui pourraient survenir (« si x, alors y »). Par exemple, la refonte des programmes d’épargne aux Philippines qui inclut un plan d’épargne imprimé a augmenté les soldes d’épargne de 37 %.
Valeurs par défaut : Faire du choix prévu la norme de laquelle l’on peut se désinscrire plutôt que de s’y inscrire. Par exemple, un programme d’épargne sur les téléphones portables en Afghanistan, qui permettait aux gens de déposer automatiquement une partie de leur salaire sur un compte d’épargne, a augmenté les taux d’épargne de 40 points de pourcentage.
Retour d’informations : Communiquer aux personnes un retour d’informations immédiat à l’adoption d’un comportement afin de rendre les avantages/coûts plus visibles. Par exemple, jouer à un petit jeu sur les risques du VIH et recevoir des retours d’informations immédiats sur les réponses correctes par rapport aux réponses incorrectes a réduit de 28 points de pourcentage les estimations incorrectes du risque de VIH chez les jeunes en Afrique du Sud.
- Cadrage: Présenter les informations d’une manière qui tire parti des biais pour façonner la prise de décision (par exemple, tirer parti de l’aversion à la perte pour inciter à prendre en compte les coûts de l’inaction). Par exemple, l’envoi aux parents uruguayens de messages texte fondé sur les comportements concernant les pertes potentielles que les enfants subissent lorsqu’ils manquent l’école, a augmenté la fréquentation scolaire de 1,5 jour en moyenne par enfant au cours d’une intervention de 13 semaines.
Comment appliquer et mettre à l’essai des solutions inspirées des sciences comportementales ?
Définir les réalisations comportementales
- Définissez le problème que vous tentez de résoudre : Quel comportement voulez-vous changer, et le comportement de quelle personne voulez-vous changer ? Comment peut-il être mesuré ?
Recueillir des observations comportementales
- Cartographiez chaque étape qu’une personne suit pour prendre une décision et suivez-la.
- Formulez des hypothèses quant aux éléments contextuels susceptibles d’entraver une prise de décision et des comportements ou de les favoriser et quant à la façon dont cela peut se produire, en vous appuyant sur une compréhension des biais cognitifs. Cette étape vous aidera à élaborer un plan de recherche qualitative rigoureux.
- Menez des recherches qualitatives approfondies et analysez les observations pour déterminer comment le contexte influence le comportement. Gardez à l’esprit que nous ne sommes pas toujours conscients de ce qui motive ou entrave notre comportement. Lorsque cela est possible, complétez les observations et les idées de la communauté avec d’autres méthodologies pour découvrir les facteurs qui peuvent influencer inconsciemment le comportement.
- Traduisez les données en informations exploitables. Recherchez des modèles et des tendances dans le comportement puis déterminez si les données appuient, contredisent ou complètent vos hypothèses.
- Transposez les informations en parcours utilisateur ou en cartes comportementales. Décrivez le chemin parcouru pour adopter un comportement et la façon dont le contexte influence la prise de décision à chaque étape. Vous pourrez ainsi repérer les points de contact potentiels pour lesquels concevoir des solutions. Les cadres comportementaux, comme le modèle des facteurs comportementaux, peuvent vous aider à organiser vos observations.
Concevoir des solutions basées sur le comportement
- Co-design de solutions avec les utilisateurs finaux pour surmonter les barrières comportementales. Vos solutions doivent faciliter des comportements sains et créer des moments de contemplation avant les actions automatiques et malsaines. Des techniques comportementales spécifiques peuvent être associées à des obstacles spécifiques. La roue du changement de comportement (Michie et al., 2011) répertorie un certain nombre de techniques de changement de comportement qui correspondent aux obstacles détectés grâce aux observations comportementales.
- Réitérez les designs sur la base des commentaires des utilisateurs (par exemple, les clients, les travailleurs de la santé ou les membres de la famille). Chaque itération doit intégrer un petit changement précis. Mettez chaque solution à l’essai avec vos utilisateurs prévus pour voir ce qui les interpelle le plus.
Mettre à l’essai, mettre en œuvre, apprendre et mettre à l’échelle
- Mettez à l’essai l’effet de vos interventions par étapes. Commencez par un essai de faisabilité ou un projet pilote en vue de déterminer la faisabilité, l’acceptabilité et l’effet potentiel de vos designs.
- Réitérez les designs en fonction de ce que vous apprenez, puis effectuez une évaluation d’impact expérimentale, ou quasi expérimentale, en utilisant la méthode d’évaluation la plus rigoureuse disponible. Dans la mesure du possible, effectuez un essai contrôlé randomisé (ECR). Les ECR sont le meilleur moyen de découvrir ce qui fonctionne.
- Continuez à suivre le processus de mise en œuvre après la transposition à plus grande échelle de l’intervention pour déceler systématiquement les problèmes.
Points à retenir
- Changez le contexte, et non la personne : Il est impossible de supprimer les biais cognitifs innés. Les solutions basées sur le comportement ne doivent pas tenter de surmonter ces biais. Il est plus efficace de s’en servir pour permettre aux gens de poursuivre jusqu’au bout leurs intentions.
- Vérifiez vos hypothèses : Notez les comportements réels des personnes, et non la façon dont vous pensez qu’ils devraient se comporter. Les designs doivent s’enraciner dans les données probantes et les observations.
- Décelez les facteurs inconscients : Nous ne sommes pas toujours pleinement conscients de ce qui influence nos choix et nous échouons souvent à prédire notre comportement futur. Ne vous fiez pas uniquement aux autodéclarations des facteurs comportementaux. Complétez les observations et les autodéclarations avec des informations tirées de la littérature et d’autres méthodes qui peuvent révéler des facteurs inconscients.
- Itération, itération, itération : N’espérez pas bien faire dès la première fois. Révisez les hypothèses sur la base des preuves puis révisez les interventions sur la base des retours d’informations. Assurez-vous de mettre à l’essai différentes versions de designs.
- Votre design doit s’adresser à de vraies personnes, et non à des personnes idéales : Ne présumez pas qu’un élément sera utilisé simplement parce qu’il est utile. Vous devez viser à faciliter autant que possible l’action que les personnes visent à réaliser.
- Les petits changements peuvent avoir une incidence considérable : Vérifiez s’il existe des solutions simples et à faible coût susceptibles d’avoir d’immenses répercussions.
- Recueillez les preuves : Testez toujours la faisabilité et l’effet potentiel des solutions avant de les transposer à plus grande échelle.
Mesures
Type de recherche | Objectif | Méthodes |
Recherche formative | Comprendre comment le contexte et les processus cognitifs influencent la prise de décision et les comportements, pour déceler les obstacles à surmonter et les possibilités à exploiter. | Plan qualitatif : analyses documentaires, entretiens qualitatifs approfondis, discussions de groupe, anecdotes, journalisation et tableaux d’activités quotidiennes, activités de tri de cartes, observations structurées et non structurées, cartographie du parcours, cartographie de l’expérience et études ethnographiques Plan quantitatif: des enquêtes couplées à des analyses multivariées spécialement conçues pour quantifier le degré d’influence de divers facteurs sur le choix ou la préférence |
Tests utilisateurs/Prototypage | Observez le fonctionnement de vos conceptions dans un contexte donné puis réitérez les idées en fonction des retours d’informations des utilisateurs. | Entretiens et tests utilisateurs en direct |
Essais pilote/de faisabilité | Évaluer la faisabilité, l’acceptabilité et l’effet potentiel des conceptions. | Questionnaires structurés, observations structurées |
Évaluation d’impact | Mesurer rigoureusement les changements de comportement associés à l’exposition à l’intervention pour chaque sous-groupe. | ECR, méthodes quasi-expérimentales.
|
Apprentissage continu et recherche sur la mise en œuvre | Suivez en permanence le processus de mise en œuvre pour détecter les lacunes et comprendre les problèmes liés à la transposition à l’échelle et à l’adaptation aux paramètres de la vie réelle. | Observations structurées, sondages, entretiens qualitatifs, systèmes de retour d’information quantitatifs et qualitatifs. |
Quand utiliser les Observations comportementales
Parfois, d’autres outils de la boîte à outils Changement social et comportemental s’avèrent plus utiles que l’adoption d’une approche reposant sur les Observations comportementales. Voici quelques questions pour vous aider à déterminer si l’application de l’approche reposant sur les Observations comportementales est adaptée à votre situation :

Ressources clés
Cadres et approches
- de l’UNICEF Les Sciences comportementales appliquées les livres blancs
- de Michie et al. COM-B: Capability, Opportunity, Motivation
- de la Behavioural Insights Team MINDSPACE
- de la Behavioural Insights Team EAST Framework
- Friction and Fuel Framework
Guides pratiques
- de l’OCDE BASIC Toolkit
- de BEAR A Practitioner’s Guide to Nudging
- The Little Jab Book pour la vaccination contre la COVID-19
- de la fondation Surgo The CUBES Toolkit
- The BehaviourWorks Method
- Test, Learn, Adapt: Developing Public Policy with Randomised Controlled Trials de Behavioural Insight Team
Aspects éthiques
- Ethical Considerations When Applying Behavioural Science in Projects Focused on Children
- Cadre pour les aspects éthiques à prendre en compte lors de l’utilisation du nudge pour modifier les comportements FORGOOD
Pour aller plus loin :

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